Eloge des autres jouissances
Je jouis donc je suis ou comment jouir avec une tasse de thé et un cookie.

En effet, il semble que tout le monde (j'entends par là, les scientifiques de tous crins) soit en train de redécouvrir le B.A. BA du plaisir, ou plutôt de la source du plaisir humain.
En effet, dans le désordre, il semble que la musique puisse être mieux que le sexe, que le tiramisu et la potée auvergnate plus sympa qu'un cuni, qu'une paire de Louboutin plus tentante qu'une fessée et qu'une bouteille de champagne / Whisky / St Emilion mieux qu'un pénis (en érection) et enfin qu'une heure de lecture soit peut être plus attrayante qu'une fellation.
Nous sommes en train de toucher du doigt une vérité qu'il nous fallait enfin pouvoir prouver scientifiquement:
L'ETRE HUMAIN PEUT AVOIR DU PLAISIR AUTREMENT QUE PAR SES ORGANES GÉNITAUX.
Je vous demande solennellement une minute d'orgasme silencieux.
Que celle qui n'a pas eu un orgasme plus intense, un taux d’ocytocine à vous coller un dépressif chez Patrick Sébastien rien qu'en s'achetant une nouvelle paire de chaussure plutôt qu'en jouant à touche pipi avec sa moitié; me jette le premier pot de glace!
Que celui qui n'a pas reporté un rendez-vous galant pour cause de sortie d'Assassin Creed III, me jette la première manette!
(j'ai conscience du sexisme effroyable de ces deux exemples, mais présentement je dénonce la dictature de l'orgasme, je peux pas être de TOUTES les luttes en même temps)
MÈTRE ÉTALON
En fait, ce qui est insupportable, c'est ce qu'induisent de manière perverse toutes ces études: un comparatif plus que douteux qui met comme mètre étalon la jouissance sexuelle (de là à voir un quelconque rapport entre l’étalon et la jouissance, il n'y a qu'un coup de rein que nous ne donnerons pas).
Par une hiérarchie des plus suspectes, il semble que l'éjaculation pour les hommes et l'orgasme vaginal pour les femmes deviennent le but ultime de nos misérable vies. En effet, on notera qu'une légende urbaine indique que l'orgasme clitoridien c'est l'orgasme de la pauvre et que les hommes ne savent pas jouir autrement qu'en se prenant pour le roi de la pomme de terre - c'est à dire en envoyant la purée.
Cela implique comme conséquences directes trois choses:
1/ nos vies sont quand même sacrément consternantes de vide si le seul moment de nirvana de l'existence sont les 2 min 45 où vous vous retrouvez les jambes flageolantes, le souffle court, le brushing défait, la caméra vidéo allumée et Jean-Firmin qui vous balance "alors heureux(se)"
2/ le corollaire, c'est de songer que l'ensemble de notre vie / oeuvre est donc ratée sans ce foutu orgasme bi-hebdomadaire.
3/ l’exécrable condescendance de ces affirmations pour tous les gens qui par choix, par renoncement, par manque d'intérêt ne mettent pas le sexe au centre de leurs préoccupations.
Car oui, nous aurions le droit de jouir sans entrave, mais pas de la manière dont on le souhaite?
Il est tout de même effrayant de devoir rappeler que la misère affective et spirituelle est bien plus destructrice que n'importe quelle disette de la gaudriole.
C'est une question de bon sens, un exemple juste pour le plaisir: si vous passez vos 48h de weekend à vous déshabiller, copuler, doucher, vous rhabiller et recommencer dans l'heure qui vient, comment pouvez vous développer vos autres facultés et essayer d'être créatifs quant-à vos mode de communication?
Par définition, plus on baise, moins on parle et moins on pense... (on pourra me rétorquer que le sexe tantrique combine le cul et l'élévation spirituelle, mais cela devant concerner 0,005 % de la population mondiale, on exclura d’officine cet argument)
PAS CE SOIR CHÉRI(E), MOI J'AI UNE VIE
Soit-dit en passant, on ne remet pas en cause vos capacités à faire la brouette javanaise ou la fleur de lotus renversée. C'est juste que parfois on a pas envie. Et pas parce qu'il y a une raison qui nous empêcherait d'avoir envie, genre la migraine, le stress, le boulot, les enfants, la connasse de voisine, le vis-à-vis, le manque de partenaire...
Ce sont des raisons qui ressemblent à des excuses.
Et personne n'a besoin d'excuse pour n'avoir pas envie de faire l'amour / de baiser / de se lutiner...
Juste que parfois, vous avez très envie de terminer votre livre, regarder youtube, la mer, faire un dessin, réfléchir, boire du thé, faire un baby-foot, vous mettre à la broderie anglaise, bouger votre boule sur une piste de danse avec GALA, faire de l’accrobranche, parler, pleurer ou que vous avez plus envie de tirer des billes de paintball dans la tête de votre partenaire que de le tirer tout court.
Laisser moi vous balancer un GRAND SECRET: C'EST TROP COOL d'avoir envie de faire autre chose que de copuler, n'en déplaise aux magazines féminins, aux scientifiques aigris (et pas que sexuellement) et aux légendes urbaines.
TEMPS DE CERVEAU DISPONIBLE
On se rebiffe contre les publicitaires qui occupent notre temps de cerveau disponible, mais pas contre cette dictature insidieuse de jouir à tout prix?
La jouissance sexuelle est et restera toujours limitée par rapport à l’extraordinaire palette de jouissance intellectuelle, physique et affective que nous apporte la vie; que l'on soit bien, mal ou pas accompagné.
A fortiori lorsqu'on est en couple, car oui l'intimité et la complicité du couple se trouve ailleurs que juste au fond du slip, il serait grand temps de rappeler cette évidence.
Et je n'aurais qu'une réponse aux ayatollah du cul: le bonheur et les orgasmes sont partout et parfois même dans le sexe.