Depuis peu, on entend parler de l’impression 3D  absolument partout. « Une seconde révolution industrielle » prétendent certains, qui permettra de diviser les coûts de production par plus de 50% : plus besoin de machines spécialisées ni d’ouvriers qualifiés ! Cela aurait comme conséquence la relocalisation des sites de production aujourd’hui répartis dans les pays où le coût du travail est faible. Le paysage mondial de l’industrie s’en trouverait bouleversé. Mais c’est aussi de nouvelles perspectives médicales, avec la production de prothèses jusque-là irréalisables ou trop chères.
Et que dire des usages personnels ? Imprimer soi-même ses meubles Ikea, le rêve ! Et imprimer ses propres armes à feu, un cauchemar…
Ces nouvelles perspectives sont-elles bien réelles ou, comme souvent, les technophiles s’enthousiasment-ils un peu trop vite ?

L’IMPRESSION 3D, C’EST QUOI ?

L’impression 3D est une technique qui ressemble beaucoup à l’impression classique que tout le monde connait, l’impression en deux dimensions. Avec une imprimante classique, vous venez avec une image en deux dimensions (genre votre cousine en maillot de bain) et l’imprimante reproduit cette image sur une feuille, à plat. Avec une imprimante 3D, il faut que vous possédiez une description en 3D de l’objet qui vous intéresse. Généralement cette description a été faite directement sur ordinateur avec des logiciels 3D. C’est assez facile à manipuler si vous voulez dessiner des cubes. C’est un poil plus compliqué si vous voulez dessiner la Tour Eiffel. Mais ne vous inquiétez pas, de nombreux scanners 3D sont déjà en développement. De la taille d’une grosse machine à café, vous mettez votre objet dedans et son image informatique tridimensionnelle est créée par le scanner.  L’imprimante va alors vous permettre de reproduire votre objet en 3 dimensions.

 Il y a plusieurs types d’imprimantes 3D mais toutes utilisent à peu près la même technique : elles superposent des couches de matière les unes après les autres jusqu’à avoir reproduit l’objet. Les variations viennent de la matière utilisée, de la façon dont les couches sont collées entre elles, et de la façon dont est géré le support pendant l’impression. C’est quoi cette histoire de support ? Eh bien c’est typiquement le genre de truc auquel on ne pense pas naturellement. Mais réfléchissez-y un peu : si vous imprimez un objet couche par couche comme ça, directement sur la table, il ne va pas y avoir de problème ? Si votre objet est tordu dans tous les sens, il y aura peut-être un moment dans l’impression où l’objet à moitié fini ne sera pas stable et va se casser la margoulette. Donc pour éviter cela il faut faire l’impression sur un support. Et là les stratégies divergent, certains font un support en cire qu’on fait fondre à la fin, d’autres construisent le support en même temps que l’objet et doivent poncer le support à la fin, etc. Chaque technique présente ses avantages et inconvénients.

Une fois exposé le principe, vous devez déjà saisir la variété des possibilités offertes par cette technique : les vendeurs à la sauvette du Trocadéro vont pouvoir réimprimer chaque nuit des milliers de tours Eiffel pour en inonder les touristes (et votre champ de vision par la même occasion) par exemple. Chacun pourra imprimer ses meubles Ikea directement chez soi, pièce par pièce. Et les ouvriers pourront jouer à la pétanque toute la journée pendant que les imprimantes travailleront à leur place (ou se faire virer, si le patron est vraiment méchant ; mais je préfère penser qu’il sera gentil et viendra aussi jouer à la pétanque avec ses nouveaux copains).  

PERSPECTIVES

Certains n'hésitent pas à parler d’impact industriel majeur. Nous n’en sommes qu’à l’aube, mais déjà des entreprises comme EADS se lancent dans l’aventure : des projets sont en cours visant à produire toutes les parties d’un Airbus par impression tridimensionnelle. Dans le domaine des prothèses aussi, cela permet d’envisager des choses inimaginables jusqu’à aujourd’hui. Une petite fille américaine, Emma, est atteinte d’arthrogrypose, une maladie orpheline. Elle ne peut pas lever les bras sans aide extérieure. Eh bien grâce à l’impression 3D, il est facile de lui créer des prothèses sur mesure, et de les changer au fur et à mesure de sa croissance. Il y a donc déjà un impact certain dans de nombreux domaines.

En revanche, il serait peut-être aller un peu vite en besogne que d’imaginer ce genre de procédé débarquer dans notre salon, dans un futur proche. Les machines vraiment performantes resteront des machines très coûteuses, et donc réservées au monde professionnel. Restent deux possibilités pour que le commun des mortels puisse en avoir l’expérience. Soit des imprimantes bon marché qui ont le défaut de produire des objets peu robustes, de petites tailles et qui ne seront faits que d’une seule matière (une sorte de résine). Soit des entreprises qui proposent d’imprimer vos objets pour vous (mais à des prix très élevés). Dans les deux cas, il est encore très loin le jour où vous pourrez reproduire entièrement le buffet de votre mère-grand ou le lit superposé de votre enfance. Quant à reproduire votre iPhone, c’est tout simplement hors-sujet.

LASER OU JET D'ENCRE ?

D’autres perspectives sont plus étonnantes. Par exemple il est possible d’imprimer des armes. Cody Wilson, un Américain, s’est mis en tête de créer entièrement une arme de poing par ce procédé [ ]. Et de mettre les plans à la libre disposition du public. l a déjà reproduit plusieurs parties d’un fusil AR15, et d’autres l’ont suivi dans cette voie.
Il n’est pas impossible que dans un futur proche, il soit possible de fabriquer une arme à feu soit même aussi facilement qu’on imprime ses photos de vacances. La cerise sur le bateau, c’est que les matériaux utilisés sont absolument indétectables (et les apprentis terroristes s’en délectent déjà sur le Net).

Enfin, pour se quitter sur une note plus légère, sachez que certains envisagent de faire de l’impression de nourriture. Choc Edge propose depuis 2012 une imprimante 3D à chocolat par exemple. Pendant que certains rêvent d’asservir le monde en imprimant eux-mêmes leur lance-roquettes, d’autres, comme moi, rêvent de pouvoir imprimer leurs burgers à domicile...