20130416


La dictature du sonomètre


Sortir à Paris, une activité déprimante depuis 2008.

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IMG 2353 La dictature du sonomètre

« Allez-vous dégagez maintenant ! Ça suffit, on ferme la terrasse !

- (client bourré) Un dernier verre s’il vous plaît !!! On veut rester !

- (un autre) Je peux avoir un autre pastis ? à emporter ? Juste un petit ?

- Stop, j’ai dit stop, on ferme, vous pouvez allez ailleurs, c’est pas mon problème les jeunes. Nous on doit dormir aussi. On bosse demain.

- (clients bourrés à l’unisson) Oh les boules..Bon on fait quoi?.. 

- Bon les jeunes y en a marre des amendes là, c’est fini, dégagez du trottoir. Faites moins de bruit ! »

Voici l’opéra qui se joue en moyenne 3 fois par semaine devant les bars de Paris rive droite à 2 heures précises du matin. De longues jérémiades en 3 actes interminables. Les clients rois, face à la violence des méchants tenants, ne ménagent alors pas le voisinage. Un spectacle gratuit mais difficile à supporter aussi bien pour les acteurs que pour les voisins. Le dernier métro est vieux de 30 minutes...
C’est alors que commence un autre ballet, celui de l’épicier, des sacs plastiques remplis de canettes et du boucan dans l’escalier. Le calvaire des voisins de palier ne fait que commencer. Un vrai raz-de-marée, réglé comme du papier à musique, à la mesure adagio lento des jeunes que l’on déloge des bars. Ceux-ci s’en vont picoler dans leur 40m2. La chasse à l’alcoolisme continue, quand les flics s’invitent à la fête. Mais par un subtil jeu de décibel, il est parfois possible de faire durer le plaisir jusqu’à 5h. Ouf, on a évité l’amende, quelle bonne soirée.

DÉSACCORDS MAJEURS

Alors qu’un opéra se finit par une cadence parfaite, on entend résonner ici un accord mineur entre les Parisiens et leur préfecture. Une mélodie qui fait mal au crâne menée par des chefs d’orchestres de la mairie de Paris sans diapason. Sortir à Paris est devenu une activité déprimante depuis 2008, liée à un manque d’ambition et une marge de manœuvre très réduite.

Boire aide à oublier et les parisiens l’ont bien compris.. Mais quand nos verres sont vides, que nous dit la loi ?

 A vos sonomètres! 

A Paris, 80 % du public fréquente les trottoirs des bars, quelle qu’en soit la raison, l’interdiction de fumer ou une veille tradition latine, cette situation ne cesse d’exaspérer les riverains et les organisateurs de la nuit, victimes de leur succès. Il y a 3 ans, les Etats généraux de la nuit venaient faire chanter les deux parties de concert pour trouver une solution. Depuis, des Pierrots de nuit viennent semer le silence en collerette dans la rue et l’argent promis aux établissements pour adapter leurs infrastructures se fissure. Seul point positif, riverains et organisateurs ont su instaurer un dialogue dans les quartiers pour trouver une solution.
Mais la vérité est là: il n’y a pas grand chose à faire face à la dictature du sonomètre, vue la densité de la capitale et l’étroitesse de ses rues. Des distributeurs de boules Quiès gratuits ainsi que des soirées 3ème âge à l’hôtel de ville auraient pu néanmoins aider à désamorcer la situation... mais je ne suis pas maire.

« Le bruit  provenant des établissements est constaté par le Bureau des Actions Contre les Nuisances (BACN) de la Préfecture de police avec une mesure acoustique effectuée à l’aide d’un sonomètre. »

Actuellement, quand vous criez de plaisir devant votre bar fétiche à 2h du matin, les gérants risquent 450 euros d’amende voire une fermeture administrative. Le volume sonore, c’est le code de la santé publique qui nous le dicte: si le bruit augmente de 5 décibels entre 7 heures à 22 heures et de 3 décibels de 22 heures à 7 heures, à l’extérieur d’un établissement, on est déjà dans le rouge. A titre d’exemple, un lave-vaisselle moyen fait 60 décibel, soit 12 fois 5 décibel. Péter devant un bar doit donc suffire à dépasser la limite.
Pour en être sûr, certains quartiers ont eu une bonne idée intitulée : Baissez d’un ton. Il s’agit de sondes installées devant plusieurs établissements de nuit (notamment dans le XIe) et qui avertissent les propriétaires par sms ou par mail dès que le niveau sonore maximal est atteint. Là aussi donc, le sonomètre est roi.

 A vos montres!

IMG 1893 La dictature du sonomètre
En terme d’horaires d’ouverture non plus, il n’en a pas toujours été ainsi. Jusqu’en 2008, les bars pouvaient ouvrir jusqu’à 5h, mais pour des raisons d’ordre public, ce privilège n’est désormais réservé qu’aux « établissements de nuit à vocation nocturnes ». Pour en faire parti, il faut offrir à titre principal à ses clients l’audition de musique ou des spectacles sur scène. A l’époque de nombreux bars musicaux sont restés sur le carreau et ont dû réduire leurs horaires d’ouverture.  

Avec tout de même quelques exceptions à la règle. Le Tambour, bar restaurant du IIe arrondissement est ouvert jusqu’à 4h30 du matin, sans proposer aucun spectacle ni concert! Contacté à ce sujet, le propriétaire nous explique : « Nous avons obtenu un autorisation de nuit, vous voulez me la racheter ? » Mystère, je cherche encore l’arrêté préfectoral correspondant..

La nuit, quoi qu’il en soi, il vaut toujours mieux voir le verre plein que le verre vide, alors voici une bonne nouvelle : durant les nuits du 14 et 15 juillet, du 24 et du 31 décembre. Les bars peuvent rester ouvert toute la nuit !

 Prêts? Partez!

 




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